Constructions durables

Le peuplier, une ressource d’avenir et renouvelable

Constructions durables

par Nolwenn Weiler

Délaissé par les acteurs de la construction depuis les années 80, le peuplier est une ressource pleine d’avenir. Dans le Nord-Pas-de-Calais, une poignée de professionnels, soutenus par quelques élus, mettent au point des techniques de construction innovantes qui permettent de réhabiliter cette essence très locale et de réduire les émissions de CO2 liées aux importations de bois.

Photo : bâtiment en peuplier (Le Mans)

Utilisé pour faire de la pâte à papier, des palettes et des cure-dents, le peuplier a mauvaise presse chez les constructeurs. Les peupleraies sont pourtant nombreuses en France, en particulier dans le Nord et l’Ouest. Une poignée d’élus et d’architectes du Nord-Pas-de-Calais ont fait le pari de miser sur cette essence à pousse rapide et considérée comme peu robuste. Ce bois a été utilisé pour bâtir la structure de la salle polyvalente de Lezennes, la « cité de la pierre » dans le Nord.

Construite au début des années 1970, cette petite salle polyvalente souffrait d’une absence totale d’isolation thermique et phonique. Elle était en outre supportée par une structure entièrement métallique qu’il fallait absolument renouveler. « C’est quelqu’un de la région Nord pas de Calais, engagée dans une démarche de valorisation de la filière bois locale qui nous a soufflé l’idée », raconte l’architecte Laurent Baillet. Avec son collègue, François Lacoste, ils confirment leur engagement dans une démarche d’écoconstruction. « Utiliser un bois local pour la structure nous permettait de diminuer davantage encore l’impact CO², en plus de favoriser une dynamique économique locale. Le maître d’œuvre, la mairie, qui avait déjà des exigences importantes en terme d’éco-matériaux, était partant pour tenter le pari.  »

Ne pas se fier aux apparences

Et le pari a été gagné ! Livrée à la mi-décembre 2009, la salle de Lezennes comporte une structure 100% peuplier. La réussite du projet doit beaucoup à la collaboration qui s’est instaurée entre différents corps de métiers : architectes, ingénieurs, charpentier, scieur. Le département de Génie civile de l’IUT de Béthune est lui aussi associé. C’est chez eux qu’est testée la solidité mécanique. « En plus d’une admission de contraintes bien supérieure à ce que l’on imaginait, les tests ont révélé que le peuplier est peu fissile, et qu’il se prête donc très bien au clouage », explique Laurent Baillet. Ces tests ont aussi révélé que certaines pièces disqualifiées au classement visuel - parce que contenant trop de noeuds, par exemple - étaient en fait très résistantes.

Suite à ces investigations techniques, il est décidé de travailler avec des éléments de courte taille (maximum 3,60 mètres) assemblés sur place. « D’un point de vue architectural, ces poutres ajourées sont vraiment très intéressantes, se réjouit l’architecte. D’autant qu’elles laissent passer la lumière. »

De la pousse à la pose

Forts de cette première expérience réussie, la fine équipe réfléchit à d’autres projets, notamment la mise en place de poutres de grande portée (30 m). « La filière n’est pas encore en place mais elle a tout pour plaire, sourit Manfred Hudel, le charpentier. Tout, de la pousse à la pose, en passant par le sciage, se fait dans un rayon de moins de 60 km ! Cela permet de valoriser les talents locaux, de créer des emplois sur place tout en réduisant les émissions de CO².  »

Les risques d’appauvrissement de la biodiversité via la monoculture de pin douglas (essence très utilisée en construction) sont également réduits. « Le peuplier, c’est finalement un matériau décrié sur lequel on n’aurait rien misé du tout, reconnaît Manfred Hudel. Alors qu’il a toutes les qualités requises pour servir de bois de structure.  » Comme quoi, avec un soupçon d’imagination, et (quand même) pas mal de boulot, on peut arriver à trouver des solutions intéressantes. Reste à développer la filière...

Nolwenn Weiler