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Le ministère du Logement disparaît, la crise du logement est toujours là

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par Rachel Knaebel

Pour son premier gouvernement, le nouveau président Emmanuel Macron a décidé de se passer de ministère du Logement. Il n’y a pas non plus de secrétariat d’Etat dédié à la question. C’est le ministère de la "Cohésion des territoires", sous l’égide de Richard Ferrand, qui prendra en charge la compétence.

L’absence du logement dans l’intitulé ministériel a été perçu comme un « signal négatif » par le Président de l’Union sociale pour l’habitat, Jean-Louis Dumont. La crise du logement, elle, perdure. Selon le dernier rapport de la fondation Abbé-Pierre, 3,8 millions de personnes sont mal-logées en France en 2016. 140 000 personnes sont sans domicile et plus de 80 000 vivent dans un habitat de fortune (camping…). 3,5 millions de personnes souffrent du froid en hiver en raison de la précarité énergétique (mauvaise isolation, facture de chauffage trop élevée...). Les voyants sont aussi au rouge en ce qui concerne les expulsions : celles de locataires par les forces de l’ordre ont augmenté de 41 % en 10 ans, et de 24 % rien que l’année dernière, signalait la fondation Abbé-Pierre au moment de la fin de la trêve hivernale, en mars. Les locataires connaissant des difficultés pour payer leurs loyers sont de plus en plus nombreux.

Évidemment, la crise du logement pèse davantage sur les pauvres que sur les riches. En moyenne, près d’un tiers des revenus des ménages modestes sont engloutis dans leur loyer ou le remboursement de leur emprunt immobilier. Pour les plus aisés, cette part constitue 12% du budget familial [1]. Plus les salaires demeureront faibles, plus il sera difficile de se loger décemment. À moins de réduire la part des revenus accaparés par le logement, donc d’encadrer drastiquement les loyers. C’est ce qu’avait tenté Cécile Duflot, lorsqu’elle était ministre du Logement, en faisant voter la première loi française d’encadrement des loyers (comme cela existe en Allemagne).

Une vague d’expulsions après les législatives ?

La suppression du ministère du Logement dans ce premier gouvernement Macron n’annonce rien de bon. « Nous nous attendons à des expulsions en masse une fois les législatives passées », s’inquiète Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au logement (Dal). Avant l’élection présidentielle, le Dal avait analysé le programme du candidat d’En marche ! en la matière. Macron y appelait notamment à faciliter les expulsions locatives.

« Le programme de Macron était proche des demandes du secteur immobilier, en particulier des promoteurs », souligne le militant associatif. Le texte d’En Marche ! mettait surtout l’accent sur la nécessité de construire plus, surtout dans les zones tendues. « Notre inquiétude, c’est que ce sera essentiellement du logement privé spéculatif. » Une surproduction risquerait, selon le Dal, de conduire à une crise immobilière. « Cela pénaliserait par ricochet principalement les classes populaires, comme cela est arrivé en Espagne et aux États-Unis, craint le porte-parole. Selon nous, il faut avant tout encadrer les loyers ». Sur la question, Macron avait déclaré vouloir évaluer le dispositif avant. « Nous sommes également inquiets sur la question du logement social. » Dans son programme, le nouveau président assurait vouloir maintenir le nombre de logement sociaux construits chaque année. 130 000 nouveaux logements sociaux ont été financés en 2016, dont plus d’un quart pour des familles très modestes, alors que les demandes de logement social atteignent 1,8 millions. « Nous nous attendons à des coupes sur les aides aux logements », s’inquiète encore Jean-Baptiste Eyraud.

Le DAL appelle à une marche vers le ministère de la “Cohésion des territoires” le 24 mai, « contre les expulsions et la spéculation, pour la baisse des loyers et la réalisation massive de logements sociaux ».

Photo : CC Alain Bachellier

Notes

[1Voir la synthèse du dernier rapport annuel de la fondation.