#imagineLaGauche

Laurent, juriste : « L’égalité, base non négociable pour mener une politique de gauche »

#imagineLaGauche

par Nolwenn Weiler

Qu’est-ce qu’être de gauche selon vous ? Y a-t-il encore du sens à se dire de gauche ? Comment voit-on la gauche du futur ? Quelles sont ses valeurs, ses idées, ses projets, ses défis ? #imagineLaGauche, c’est la série lancée par Basta!, pour comprendre, reconstruire, rêver, renouveler, mettre en débat… Salariés, chômeurs, retraités, étudiants, paysans, militants associatifs, syndicalistes, artistes, chercheurs, jeunes et moins jeunes, témoignent.. Aujourd’hui, Laurent Vogel, juriste de l’Institut syndical européen, à Bruxelles.

Se dire « de gauche » ouvre vers beaucoup d’ambiguïtés ; et demande à être clarifié. Il y a des manières très différentes d’être de gauche. On peut par exemple en toute bonne foi se dire « de gauche » et trouver la précarisation du travail normale, au nom d’une nécessaire adaptation au monde d’aujourd’hui. Il est donc important de préciser, et définir ce que l’on entend.

Combattre les inégalités pour faire reculer le racisme

Pour moi, la question de l’égalité est fondamentale. La mise en place de conditions de vie radicalement égalitaires est une base non négociable pour mener une politique de gauche. Cela passe par des mesures fiscales, et un renforcement de la protection sociale. Autant de politiques qui n’ont pas été menées depuis fort longtemps, ni en France, ni en Europe. C’est en combattant les inégalités que l’on fait reculer les angoisses et les craintes qui mènent au racisme et à la xénophobie ; et pas en tenant des discours moralisateurs.

L’internationalisme est une autre condition importante de l’identité politique « de gauche ». Il n’y a pas de raisons d’accepter que des gens vivent moins bien que d’autres simplement parce qu’ils sont nés ailleurs, parce qu’ils sont d’une autre ethnie, ou qu’ils ont une religion différente. Il est à mon sens inacceptable de considérer que certaines situations d’oppression sont moins graves ou scandaleuses que d’autres. Si on regarde le monde du travail, ce qui se passe dans les pays du sud en terme de violations des droits fondamentaux ne suscite pas, de mon point de vue, suffisamment de solidarité de la part des pays européens.

Être de gauche, au pouvoir et dans la rue

L’émancipation des opprimés est fondamentale, mais elle doit évidemment être faîte par les opprimés eux-mêmes, et pas par les états majors d’organisations générales, quelles qu’elles soient. Les mouvements sociaux, les syndicats vont dans le sens de cette émancipation. Dans les mobilisations sociales, au sein des syndicats, des perspectives de gauche émergent, de façon très horizontale. Tout ce qui favorise ces dynamiques d’auto-organisation, de mise en commun d’existences, est intéressant.

La différence entre la droite et les gauches gouvernementales se définirait en terme d’intensité, de brutalité, plus que de différence radicale dans le projet de société. Si on prend la protection sociale par exemple, la droite est souvent plus agressive quand elle la remet en question. Idem pour la précarisation du travail. Cela ne signifie par pour autant que la gauche n’a pas participé à cette précarisation du travail. Prenons l’exemple de la gauche actuellement au pouvoir en Italie. Ce qu’elle fait en terme de précarisation du travail est digne de la plus dure des droites. Or, les conditions de travail sont un apprentissage quotidien de ce que sont le conflit et la démocratie. La conquête de la démocratie dans le monde du travail et dans la sphère politique sont à faire parallèlement. On ne peut pas, d’un côté côté, être tenu dans un rapport de domination, quasi despotique au quotidien, et être un parfait citoyen de l’autre.

Laurent Vogel, juriste, Bruxelles [1]

Recueilli par Nolwenn Weiler

Notes

[1Chercheur dans le domaine des conditions de travail, de la santé et de la sécurité à l’Institut syndical européen (ETUI)