Luttes écologiques

La justice donne raison aux opposants du projet Center Parcs en Isère

Luttes écologiques

par Sophie Chapelle

Suspendus il y a deux ans par une première décision de justice, les travaux du Center Parcs de Roybon (Isère) ne sont pas prêts de reprendre. Le 16 décembre, la cour administrative d’appel de Lyon, a confirmé l’illégalité de deux des trois arrêtés préfectoraux qui permettaient la construction de ce projet touristique porté par le groupe Pierre & Vacances. Ce dernier veut implanter 1021 cottages sur 200 hectares, au cœur du bois des Avenières, en pleine zone humide (lire notre article). Largement soutenu par la collectivité, à hauteur de 113 millions d’euros d’après les calculs de l’association Pour Chambaran sans Center Parcs (PCSCP), le projet doit entraîner l’embauche de 700 personnes pour faire tourner les installations, dont une bulle tropicale de 9 000 mètres cubes « à 29 degrés toute l’année ». Une grande partie des emplois s’annonce précaire et très mal payée selon notre précédente enquête.

Décidé en 2007, ce projet a été retardé par les nombreux recours déposés par ceux qui mettent en doute sa pertinence. Depuis le 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a invalidé l’arrêté préfectoral autorisant les travaux au titre de la loi sur l’eau (voir ici). La cour d’appel de Lyon devait donc statuer sur la légalité ou non de la construction du Center Parcs. Après une première audience le 3 novembre 2016, sept magistrats ont réexaminé l’affaire le 12 décembre. Le tribunal a entendu le rapporteur public – Marc Clément, un expert en droit communautaire – détailler ses conclusions en s’appuyant sur la loi sur l’eau, ainsi que sur les directives européennes concernées [1].

Des travaux suspendus mais l’intérêt public du projet confirmé

Le rapporteur public, dont l’avis est généralement suivi par les juges, a redemandé l’annulation non seulement de l’arrêté relatif à la loi sur l’eau mais aussi de deux autres arrêtés : l’un concernant la destruction d’espèces protégées et l’autre portant sur l’évacuation des eaux usées. La Cour a finalement suivi son avis en confirmant l’annulation de deux des trois arrêtés préfectoraux.

En revanche, le rapporteur public n’a pas été suivi sur le troisième arrêté ayant trait à l’autorisation de détruire des espèces protégées. Cette dérogation est délivrée seulement lorsqu’« un intérêt public impératif majeur » est en jeu, avait rappelé Marc Clément, ce qui, selon le juriste ne serait pas le cas. La cour a au contraire confirmé cet intérêt public au nom des « six cents emplois pérennes dans une zone de l’ouest du département de l’Isère marquée par une activité économique moindre que dans le reste du département et dans un contexte socio-économique général de situation dégradée de l’emploi ». Sur ce point, l’association PSCSP n’écarte pas la possibilité de porter cette affaire devant les instances européennes.

« Un immense espoir »

La coordination nationale opposée aux Center Parcs s’est réjouie « que Pierre & Vacances, porteur de ce projet, ne soit toujours pas autorisé à redémarrer les travaux ». L’association PCSCP souligne « l’immense espoir » apporté par cette décision « à tous les défenseurs de l’environnement souvent impuissants devant la destruction à grande échelle de la nature sous couvert de développement durable ». Et rappelle que « cette décision est également un avertissement aux élus des assemblées territoriales tentés d’imposer des projets avant même de s’assurer de leur conformité avec l’environnement ». Le Conseil régional d’Auvergne Rhône-Alpes, sous la présidence de Laurent Wauquiez, a notamment accordé le 14 avril dernier une subvention de 4,7 millions d’euros en faveur de ce Center Parcs, alors même que les travaux étaient suspendus par la justice.

Le feuilleton judiciaire autour du projet de Center Parcs à Roybon va toutefois se poursuivre. Suite à la décision de la cour d’appel de Lyon, la société Pierre et Vacances a décidé de se pourvoir en cassation.

Notes

[1Voir à ce sujet cet article du Monde