Démocratie

Accords de libre-échange : la carte des mobilisations du 21 janvier avant le vote du Parlement européen

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par Collectif

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA) doit être voté au Parlement européen le 2 février prochain. Cet accord, malgré les quelques avancées obtenues par le parlement de Wallonie en octobre 2016, continue d’être fortement critiqué par des mouvements sociaux, les syndicats et les écologistes. Possibilité pour les multinationales de poursuivre des Etats devant des tribunaux privés, système juridique parallèle pour les investisseurs, libéralisation des services publics, augmentation du coût des médicaments... Basta! relaie l’appel à une journée européenne d’actions décentralisées le 21 janvier, ainsi que la carte des mobilisations.

Tout au long des négociations et de la phase de vérification juridique du texte, nous avons dénoncé à maintes reprises les graves problèmes que pose le texte de l’accord. Nous avons fait des propositions concrètes qui cherchaient à démocratiser nos politiques commerciales et à les rendre plus transparentes, tout en les recentrant sur la protection de l’environnement et la défense des droits humains fondamentaux. Mais comme en fait foi le texte de l’accord CETA – aussi appelé « Accord économique et commercial global » (AECG) – tel que signé en octobre 2016, nos inquiétudes sont restées lettre morte et c’est pourquoi nous nous opposons résolument à sa ratification.

Des deux côtés de l’Atlantique, provenant entre autres des milieux syndicaux, agricoles, environnementaux, de défense des consommateurs, de la santé publique, des droits sur Internet, un large éventail d’organisations sociales ainsi que des petites et moyennes entreprises s’opposent à l’accord.

Nous voulons souligner certaines de nos préoccupations fondamentales concernant l’accord tel qu’il est signé :

 Le CETA donnerait à des milliers d’entreprises le pouvoir de poursuivre des gouvernements et contester les mesures légitimes et non discriminatoires qu’ils adoptent pour protéger les droits des peuples et la planète. Rien dans l’entente ou dans les déclarations d’accompagnement n’empêcherait les entreprises d’utiliser les droits qu’accorde le CETA aux investisseurs et qui leur permettent d’intimider les décideurs et de les influencer en leur faveur quand ils réglementent en fonction de l’intérêt public, par exemple en matière de lutte au changement climatique.

Le CETA laisse même la porte grande ouverte à des compensations aux entreprises pour des profits futurs non réalisés lorsqu’un changement de politique affecte leur investissement. Loin de réformer « radicalement » le mécanisme de résolution des différends entre les investisseurs et l’État, le CETA non seulement en élargit la portée mais l’institutionnalise.

 Le Système judiciaire sur l’Investissement (SJI) accorde aux investisseurs des droits hautement exécutoires mais n’exige, en contrepartie, aucune obligation. Cet instrument ne permet pas aux citoyennes et citoyens, aux communautés ou aux syndicats de porter plainte lorsqu’une entreprise viole l’environnement, les droits du travail, la santé et la sécurité, ou d’autres normes. Ce système risque d’être incompatible avec le droit de l’UE puisqu’il crée un système juridique parallèle qui permet aux investisseurs de contourner les cours de justice existantes. Le SJI est discriminatoire du fait qu’il octroie des droits aux investisseurs étrangers dont ne peuvent jouir les citoyens en général ni les investisseurs nationaux.

Cliquez sur la carte ci-dessus pour voir le détail des mobilisations prévues.

 Contrairement aux droits des entreprises, le CETA inclut des dispositions sur les droits du travail et sur le développement durable qui ne peuvent être appliquées de façon contraignante et efficace au moyen de sanctions. Elles demeurent des affirmations vides, sans effet sur les dangers que les autres chapitres de l’accord posent aux droits des travailleurs, à la protection de l’environnement et aux mesures visant à atténuer le changement climatique.

 Le CETA limite de façon drastique la capacité des gouvernements de créer, développer et réglementer les services publics, et de les ramener dans le domaine public en cas d’échec des libéralisations et privatisations. Le CETA est le premier accord de l’UE où la libéralisation des services est la règle et où les réglementations publiques sont l’exception. L’accord menace l’accès des populations à des services de qualité dans des domaines comme ceux de l’eau, du transport, de la santé et des programmes sociaux, et mine les efforts pour développer des services publics qui répondent à des objectifs d’intérêt général.

 Une étude indépendante des impacts économiques de le CETA prédit que des emplois seraient perdus tant au Canada qu’en Europe, que la croissance économique serait plus lente qu’en l’absence d’accord, et que les gains en revenus seraient non seulement faibles mais qu’ils iraient largement aux détenteurs de capitaux, aux dépens des travailleuses et travailleurs. En conséquence, on prévoit que les inégalités sous le régime de le CETA seront plus grandes que sans lui.

 Le CETA rendrait le Canada et l’UE plus vulnérables aux crises financières en libéralisant encore davantage les marchés financiers et en limitant drastiquement la portée des réformes qui touchent aux principales causes de l’instabilité financière et qui assurent une meilleure protection des consommateurs et de l’économie en général.

 Au Canada, le CETA aurait pour effet d’augmenter le coût des médicaments de marque d’au moins 850 millions de dollars par année (583 millions d’euros). De plus, l’accord aurait un impact négatif sur plusieurs droits fondamentaux, dont le droit à la vie privée et à la protection des données, et restreindrait la capacité de l’UE et du Canada de moduler les droits démesurés de propriété intellectuelle (DPI) quand ils limitent l’accès au savoir et à l’innovation. Certains DPI ressemblent de près au texte de l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA en anglais) qui a été rejeté par le Parlement européen en 2012.

 Les règles de le CETA sur la coopération règlementaire et la réglementation domestique poseront des obstacles additionnels aux législateurs et consolideront l’influence des lobbyistes d’entreprises sur l’élaboration des politiques publiques, minant potentiellement la mise en œuvre des politiques d’intérêt général dont nos sociétés ont besoin.

 Des deux côtés de l’Atlantique, le CETA soumettrait les agriculteurs à la pression de la concurrence avec un impact négatif sur leurs moyens de subsistance, sans gain substantiel pour les consommatrices et consommateurs ; augmenterait le contrôle des transnationales sur les semences ; ferait obstacle aux politiques d’achat local des aliments ; menacerait les hauts standards de production et de transformation alimentaires ; et minerait les efforts pour développer une agriculture durable et respectueuse de l’environnement.

 Sous le régime de le CETA, les mesures de précaution pour protéger les consommateurs, la santé publique et l’environnement pourraient être contestées, sous prétexte qu’elles sont trop contraignantes, ne sont pas vérifiées scientifiquement ou qu’elles constituent des barrières déguisées au commerce. Rien, dans le texte de le CETA ni dans les déclarations qui l’accompagnent, ne protège de façon efficace le rôle du principe de précaution au sein des politiques règlementaires européennes, tandis que dans certaines sections plusieurs principes sont même en conflit.

Un processus de négociation opaque

Le CETA est l’aboutissement d’un processus de négociation qui a été mené de façon secrète par le précédent gouvernement canadien et la précédente Commission européenne. Le texte final du CETA, et les déclarations qui l’accompagnent, ont pratiquement ignoré l’ensemble des amendements raisonnables et très spécifiques proposés par la société civile afin de corriger les déficiences de l’accord.

Dans son état actuel, le CETA n’est pas un accord de commerce progressiste. Ce serait une erreur d’adopter ce traité, et les inquiétantes dispositions qu’il comporte, en s’en servant comme modèle pour négocier des accords futurs. Le CETA est une version rétrograde et encore plus intrusive de l’ancien programme de libre-échange conçu par et pour les plus grandestransnationales du monde. Nous avons besoin d’un changement de paradigme vers une politique commerciale transparente et inclusive fondée sur les besoins des peuples et de la planète.

Ratifier le CETA nous éloignera d’un tel changement, aujourd’hui grandement nécessaire.

Afin de faire entendre ces messages avant le vote du Parlement européen, nous appelons les organisations de la société civile et les citoyens à organiser des actions décentralisées à travers l’Europe le 21 janvier 2017. Nous appelons à multiplier les lieux et les formes d’actions afin d’encourager les citoyen-ne-s à s’informer, à s’engager et à se mobiliser localement contre la ratification de cet accord.

Plus d’informations sur le site du Collectif Stop Tafta.

Photo de une : © Serge d’Ignazio / manifestations contre le Ceta et le Tafta à Paris, le 15 octobre 2016

 Voir aussi notre dossier, Traités de libre-échange : les multinationales contre la démocratie ?