Destruction environnementale

La Grande barrière de corail menacée par un conglomérat minier avec l’appui de… la Société Générale

Destruction environnementale

par Ivan du Roy

Un colossal gisement de charbon attire toutes les convoitises. Neuf mines géantes sont en projet en Australie, dans l’Etat du Queensland. Avec voies ferrées et terminaux portuaires. Des émissions de CO2 par millions. Et une menace considérable pour la grande barrière de corail, classée au patrimoine mondial de l’humanité, qui longe le littoral. C’est une banque française, la Société Générale, qui conseille les investisseurs d’Alpha Coal, le projet minier le plus avancé.

Ah les côtes australiennes : sa grande barrière de corail, son surf, sa faune marine… Et ses futurs terminaux gaziers et charbonniers, ses convois de tankers chargés de bauxite, son nouveau record en terme de pollution. C’est bien ce qui se profile sur le littoral du Queensland, célèbre pour abriter au large le plus grand récif corallien du monde. Exit les tortues de mer ou le balai des mammifères marins, place au progrès, place au charbon !

Car à 350 km à l’intérieur des terres, des gisements de charbon intéressent particulièrement les investisseurs : neuf méga projets de mines sont à l’étude. L’un d’entre eux, le projet « Alpha Coal », a obtenu le feu vert du gouvernement australien l’année dernière. Et c’est une banque française, la Société Générale, qui est en charge de l’étude de faisabilité. La plus grosse fortune australienne, Gina Rinehart, liée aux milieux climato-sceptiques et opposante à la taxe carbone australienne (lire notre article), s’est associée au conglomérat indien GVK. Leur objectif : extraire 30 millions de tonnes de charbon par an pendant trente années et l’acheminer vers les côtes du Queensland. Via un futur terminal géant, Abbot Point, et grâce à une voie ferrée construite à cet effet, la houille sera expédiée vers des horizons avides en source d’énergie, en particulier l’Asie.

Deux fois la pollution en CO2 de la France

Si l’étude de faisabilité se révèle favorable, le projet minier « serait le premier d’une série d’autres déjà planifiés dans le bassin de Galilée et jouerait donc un rôle central dans l’ouverture de la région à l’exploitation minière », estiment une cinquantaine d’organisations environnementales françaises, australiennes et internationales, dans une lettre envoyée à Frédéric Oudéa, PDG de la Société Générale. Si la totalité des neuf méga-mines de charbon en projet se concrétisait [1], le bassin de Galilée deviendrait à lui seul la septième région la plus polluante du monde, évalue un rapport de Greenpeace Australie [2]. Il émettrait 705 millions de tonnes de CO2 par an, soit deux fois les émissions de CO2 rejetées par la France ! Alpha Coal contribuera à ces émissions à hauteur de 10%.

Sans oublier les lourds impacts locaux. La mine géante se situe à proximité d’une réserve naturelle, Bimblebox, et d’une forêt tropicale. Pire, « la Grande Barrière de Corail classée au patrimoine mondial serait gravement touchée par le changement climatique et l’acidification des océans résultant de la combustion d’énergies fossiles et l’industrialisation côtière induites par le port géant proposé à Abbot Point – lequel deviendrait le plus gros port charbonnier du monde. Mettre en péril ce site de l’Unesco – un des sites classés au patrimoine mondial les plus connus sur Terre – menacerait des habitats naturels, la biodiversité et des espèces migratoires », ajoutent les associations. Avec les nouveaux terminaux portuaires, 11 000 cargos et tankers navigueront chaque année entre côtes et coraux. Faudra-t-il rebaptiser la Mer de Corail en Mer de Charbon ?

De la communication à la réalité

Pour que la première roche anthracite sorte de la mine, encore faut-il que le conglomérat réunisse 11 milliards de dollars. Les conseils de la Société générale seront donc déterminants. Si le projet se révèle rentable, il y a de grande chance pour que ce soit la banque française qui accorde une partie des crédits tout en allant démarcher d’autres investisseurs. « Pour toutes ces raisons, nous croyons que poursuivre le conseil sur le financement du projet Alpha Coal serait hautement irresponsable », interpellent les associations, enjoignant le PDG Frédéric Oudéa de se « retirer immédiatement et publiquement d’Alpha Coal », comme l’a fait la banque états-unienne Citigroup. Frédéric Oudéa n’a, pour l’instant, pas répondu. En attendant, la banque française a été nominée au Prix Pinocchio 2013.

Sur son site Internet, la Société générale se vante d’avoir réduit ses émissions de CO2 de 20% en quatre ans, d’avoir mis en place une « taxe carbone interne » et financé « des projets de compensation carbone » [3]. Si Alpha Coal se concrétise, la banque ne dit pas combien de dizaines de millions d’euros elle prévoit de consacrer pour compenser sa contribution à l’une des plus grosses pollutions futures et pour protéger la Grande barrière de Corail menacée d’extinction. Selon un rapport du Réseau Banktrack sur les investissements dans l’industrie des mines de charbon, à paraître le 15 novembre, la Société générale se classe 22e, avec 1,3 milliard d’encours dans des projets jugés polluants. Mais sur cela, on ne communique pas.

Ivan du Roy

Notes

[1Les autres concessions sont détenues par des groupes miniers australiens, brésilien (Vale do Rio Doce), chinois et indiens, alliés à des fonds d’investissements.

[2Cooking the Climate Wrecking the Reef, The global impact of coal exports from Australia’s Galilee Basin, à lire ici (en anglais).

[3Voire cette page.