Subventions

« La France doit mettre fin au financement des centrales au charbon »

Subventions

par Anne-Sophie Simpere, Malika Peyraut, Maxime Combes

Derrière les bonnes paroles de lutte contre les dérèglements climatiques, la France continue de soutenir massivement les énergies polluantes. Elle finance des centrales au charbon, par l’intermédiaire de la Banque européenne d’investissement (BEI) ou de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) dont elle est l’un des actionnaires principaux. Alors que la BEI s’apprête à adopter sa nouvelle politique énergétique le 24 juillet, Bankwatch, Attac et les Amis de la Terre demandent au gouvernement de réorienter ces financements publics, vers l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

Le 1er mars dernier, François Hollande a annoncé que l’Agence Française pour le Développement (AFD) ne financerait plus de centrale à charbon. Il était temps. Mais c’est insuffisant, puisque la France siège dans des institutions multilatérales finançant toujours le développement du charbon. Et qui entendent bien continuer à le faire.

La Banque européenne d’investissements (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), deux banques publiques dont la France est l’un des actionnaires principaux, vont adopter leurs nouvelles politiques énergétiques qui guideront leurs investissements dans ce secteur pour les cinq ou six années à venir. Depuis des années, la société civile fait pression pour que ces banques arrêtent de financer les énergies fossiles, et en priorité le charbon.

Pourtant, tout indique que la BEI et la BERD vont laisser la porte grande ouverte au charbon. Certes, la BEI s’impose des critères de sélection – des « standards de performance d’émission » moins ambitieux que ceux adoptés par les Etats-Unis ou le Canada [1] – tout en conservant un certain nombre de dérogations qui maintiennent le charbon comme une option privilégiée.

Pourtant, stopper tout financement du charbon est à la fois une nécessité et une évidence.

En arrêtant leurs subventions au charbon, les banques publiques pourraient en limiter l’essor et mettre fin à une distorsion économique préjudiciable aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Au premier trimestre 2013, les investissements dans les énergies renouvelables, ces mal-aimées des bailleurs, ont baissé de 22 % sur un an, atteignant le niveau le plus bas depuis quatre ans.

La BERD n’a eu de cesse d’augmenter ses prêts au charbon qui sont passés de 60 millions par an en 2006 à 262 millions en 2011. Elle examine en ce moment même la possibilité d’investir dans une centrale à lignite au Kosovo, petit pays dont 97 % de l’électricité vient déjà du charbon, et qui, selon une récente étude de l’Université de Berkeley, n’a même pas besoin de cette nouvelle centrale. Avec la BEI, elle vient par exemple de financer la centrale de Sostanj en Slovénie, qui à elle seule garantit que ce pays ne pourra pas atteindre les objectifs que l’UE et ses pays membres se sont fixés pour 2050.

Encourager et financer des centrales à charbon qui émettront des millions de tonnes de CO2 pour les décennies à venir est aberrant.

Aberrant sur le plan économique en renforçant la dépendance aux énergies fossiles alors que des politiques d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique sont bien plus créatrices d’emplois et d’activités, et sont amenées à devenir la norme des modèles énergétiques à l’avenir. Aberrant sur le plan climatique alors que les concentrations de CO2 dans l’atmosphère viennent de dépasser les 400 ppm. Enfin, aberrant sur le plan de la santé puisque les impacts sanitaires du charbon sont immenses. Y compris en Europe, où ces impacts coûtent près de 43 milliards d’euros par an, faisant 18 200 morts, environ 8 500 nouveaux cas de bronchites chroniques et plus de 4 millions de jours travaillés perdus, chaque année [2].

La France, et par son intermédiaire l’Union Européenne, doit œuvrer pour que ces institutions mettent un terme aux financements dévolus aux centrales à charbon, et plus largement aux énergies fossiles. Le gouvernement français doit pousser la BEI et la BERD, dont les politiques seront respectivement adoptées le 24 juillet et à l’automne, à revoir profondément l’ensemble des dispositions concernant le charbon, et veiller à ce qu’elles abandonnent les énergies fossiles et s’orientent prioritairement vers l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Il en va de sa crédibilité, alors que la France est candidate à l’organisation de la conférence pour le climat de 2015 qui, selon Laurent Fabius, doit déboucher sur l’un des accords les plus ambitieux jamais signés sur la lutte contre le réchauffement climatique. Continuer à accepter que de l’argent public soit investi dans le charbon n’est tout simplement pas compatible avec ces déclarations.

Selon Bloomberg New Energy Finance, il faudrait doubler les investissements dans les énergies propres d’ici à 2020 pour contenir la croissance des émissions mondiales de gaz à effet de serre. De quoi revoir la feuille de route de ces institutions. Une feuille de route sur laquelle le gouvernement français doit s’engager. Maintenant.

Anne-Sophie Simpere (coordinatrice, CEE Bankwatch Network), Maxime Combes (économiste, Attac France), Malika Peyraut (chargée de campagne, Amis de la Terre France)