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Les profs réfléchissent sur le numérique à l’école… chez Microsoft !

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par Morgane Thimel

L’Académie de Paris organise sa « Journée de l’innovation et du numérique » [1] aujourd’hui, ce 28 mai. L’occasion pour le corps enseignant de s’interroger sur la place de l’informatique dans le milieu scolaire. La manifestation sera ouverte à tous : les professeurs du premier et second degrés, les conseillers principaux d’éducation (CPE), les formateurs… et aussi les sponsors. Elle ne se déroulera pas dans une université ou dans une classique salle de conférence mais... au siège de Microsoft France à Issy-les-Moulineaux !

La proximité entre l’institution et le géant du numérique états-unien n’est pas une nouveauté. En novembre 2011, le site Framablog, un réseau dédié à la promotion des logiciels libres, s’interrogeait déjà sur un colloque au siège de Microsoft [2], celui des inspecteurs de l’Éducation Nationale en charge des nouvelles technologies. Plus récemment, le 30 avril 2014, la finale des « Olympiades des sciences de l’ingénieur », grand concours à destination des lycéens en cursus scientifique et technologique, se déroulait encore dans les bureaux du géant informatique fondé par Bill Gates. Les étapes régionales, elles, avaient lieu principalement dans des universités ou des écoles d’ingénieurs, loin du milieu de l’entreprise. Après les inspecteurs et les élèves, c’est donc au tour du corps enseignant de découvrir les locaux de Microsoft lors de cette après-midi dédiée à l’innovation et au numérique.

Manque de locaux ?

Interpellée par le site Framablog et plusieurs internautes, l’institution est restée quasiment muette sur ses raisons d’organiser une journée de réflexion au sein d’une entreprise privée. Sa réponse, sous forme de tweet, évoque un choix technique lié à l’espace nécessaire aux ateliers et tables-rondes. Un argument peu convainquant. L’Académie de Paris, contactée par Basta!, précise que « le sujet est sensible en interne », sans apporter plus d’explications. Le lieu n’est, semble-t-il pas du goût de tous les membres de l’Éducation Nationale.

Nicolas Wallet, secrétaire départemental de la FSU Paris, le syndicat majoritaire de l’enseignement en France, s’indigne de ce rapprochement entre public et privé. « Que les entreprises soient entreprenantes auprès de l’Éducation Nationale, on peut le comprendre. Il y a là un fort marché potentiel. Mais il est choquant que celle-ci accepte de se faire sponsoriser. » Les enjeux sont lourds, la question des conflits d’intérêts et d’une trop forte connivence se pose. D’autant plus que les établissements scolaires, écoles, collèges et lycées, sont de plus en plus nombreux à s’équiper en matériel informatique de toutes sortes : tablettes, tableaux interactifs… « Ce sont les collectivités locales qui choisiront les entreprises à qui elles souhaitent faire appel. Mais rien n’exclut que l’Éducation Nationale donne des recommandations », reconnaît Nicolas Wallet. Et il ne faudra pas s’étonner si le corps enseignant demeure peu sensible aux alternatives offertes par les logiciels libres.

Classe « immergée » chez Microsoft

18 Ateliers et 3 tables-rondes sont prévus au siège de Microsoft. L’occasion pour la société de présenter ses nouveaux logiciels et outils à visée pédagogique. Les participants pourront s’initier à la « classe immersive » créée par Microsoft [3]. Située au sein de ses locaux, elle doit permettre aux plus jeunes de découvrir les outils numériques - tablettes Windows 8, sol interactif, Smartphone, tables PixelSense - et de les utiliser pour développer leurs connaissances, bien que certaines études récentes montrent que le format numérique altèrent la concentration (lire l’entretien de Basta! avec Roberto Casati, directeur de recherche au CNRS). Les professeurs qui le souhaitent peuvent inscrire leur classe et « immerger » leur élèves dans le monde selon Microsoft et son « contenu pédagogique, où le geste et le toucher pilotent l’information, où la 3D et la réalité augmentée sont au service de l’explication des sciences et des lettres », selon les termes de l’entreprise. Et toujours en utilisant la technologie du géant américain. A quand des réflexions à l’initiation à la musique avec iTunes d’Apple ou des formations à la documentation avec Google ?

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