Justice

Ferme-usine des 1000 vaches : les opposants dénoncent une répression démesurée

Justice

par Sophie Chapelle

Au terme de 48h de garde à vue, cinq militants de la Confédération paysanne vont être déférés devant le parquet d’Amiens ce 30 mai. Ils sont poursuivis pour dégradations, vols et recels aggravés. Deux jours plus tôt, le 28 mai, ces syndicalistes ont participé aux côtés d’une cinquantaine de militants, à une action de démontage de la salle de traite de la ferme-usine des « Mille vaches » à Drucat (Somme). L’occasion de rappeler que ce projet est une « menace considérable pour l’avenir de l’agriculture paysanne » (notre précédent article).

En fin de matinée, quatre personnes sont interpellées sur le chantier et placées en garde à vue pour dégradations. En cours de journée, c’est au tour de Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, d’être arrêté. Dans l’après-midi, il s’est entretenu sur ce projet contesté avec Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture. Après un vif échange (voir la vidéo), Laurent Pinatel tend au ministre une des pièces prélevées sur la salle de traite. Ce dernier la refuse et souligne « l’illégalité » de l’action menée par la Confédération paysanne. Alors qu’il est en route pour soutenir ses camarades en garde à vue, Laurent Pinatel est interpellé vers 18h à la gare d’Amiens. Il est accusé de vol et recel aggravés.

« Nous ne sommes pas des délinquants ! »

Dans les heures qui suivent, des rassemblements de soutiens sont organisés devant les gendarmeries d’Abbeville et Amiens. Mais aussi à Mende, Besançon, Bordeaux, Alençon, Puy-en-Velay, Limoux, Rodez... Pour Novissen, l’association locale d’opposition au projet, la décision de prolonger leur garde à vue « est pour le moins surprenante s’agissant de militants ayant manifesté pacifiquement, à visage découvert, et présentant toutes les garanties de représentation ». Plusieurs représentants nationaux d’organisations associatives, politiques et syndicales viennent également manifester leur soutien aux inculpés devant le Palais de Justice de Paris. « Quand on voit d’un côté Claude Guéant repartir tranquillement chez lui, et de l’autre Laurent Pinatel traité comme un chien, on se dit qu’il y a deux poids deux mesures », confie Me Djamila Berriah, l’avocate de Laurent Pinatel, à Reporterre.

« C’est la troisième fois que des militants de la Confédération paysanne sont placés en garde à vue pour permettre à un industriel de construire une usine à lait » dénonce la Confédération paysanne. « La répression antisyndicale ne peut pas être une réponse au désarroi des paysans confrontés à la violence des projets agro-industriels. » L’entreprise de BTP Ramery, qui finance le projet d’exploitation, a annoncé pour sa part qu’elle avait porté plainte. « Le porteur du projet se félicite de la réaction des pouvoirs publics », précise le communiqué de l’entreprise qui évalue les dégâts à plus de 100 000 euros. Stéphane Le Foll assure de son côté que le projet des Mille Vaches relève d’une initiative individuelle en règle, menée par un entrepreneur, sans lien avec le gouvernement.

Photo : © Confédération Paysanne

[Mise à jour le 30 mai à 15h30] Les cinq militants de la Confédération paysanne sont libérés sous contrôle judiciaire. Ils sont convoqués au tribunal correctionnel d’Amiens le 1er juillet prochain à 9h. Le porte-parole, Laurent Pinatel, est convoqué pour recel de vol aggravé, les quatre autres pour dégradations et vol aggravé, ainsi que, pour deux d’entre eux, pour refus de prélèvement d’ADN, ont précisé les avocats des militants.