Union européenne

Conflit d’intérêts sur les OGM

Union européenne

par Mathieu Javaux

Entre 2003 et 2008, Suzy Renckens a dirigé l’unité OGM de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). Un organisme officiel de l’Union européenne, chargé de rendre un avis pour autoriser ou non la culture ou l’importation des plantes transgéniques sur le sol européen. Deux mois après son départ de cet organisme, en mai 2008, Suzy Renckens devient Responsable des affaires réglementaires de biotechnologie pour la société suisse Syngenta, leader mondial du secteur agrochimique, producteur de l’insecticide Cruiser et fabricant d’OGM. Une de ses missions consiste à faire du lobbying auprès des instances européennes. Un cas flagrant de conflit d’intérêts, mis en évidence par quatre ONG, TestBiotech, Corporate Europe Observatory, Lobbycontrol et Les amis de la Terre.

Dans une lettre datée du 21 janvier dernier, ces ONG demandent une explication au président de la Commission européenne, José Barroso, alors qu’aucune objection ni restriction n’a été émise sur cette embauche. Comme le déplore l’Alliance pour une réglementation de transparence et d’éthique en matière de lobbying (ALTER-EU), la Commission européenne ne parvient pas à agir contre les conflits d’intérêts. L’Autorité européenne de sécurité des aliments n’a d’ailleurs commencé à réagir qu’après l’information de TestBiotech et n’a à ce jour arrêté aucune décision. Conformément à la règlementation, dans les deux ans suivant son contrat à l’AESA, Suzy Renckens aurait dû obtenir l’autorisation des institutions européennes avant d’être embauchée par un nouvel employeur. Qui plus est quand il s’agit d’une entreprise travaillant régulièrement avec l’AESA.

Au sein de l’AESA, Suzy Renckens coordonnait le groupe de 21 experts chargés de réfléchir sur les risques sanitaires des OGM. Rappelons que les avis de cet organisme sont déjà fortement critiqués quant à la procédure utilisée et au manque d’arguments donnés. L’AESA a notamment poussé l’Union européenne à autoriser la culture du tristement célèbre OGM MON810. Ce genre de conflit d’intérêts pourrait jeter davantage de discrédit sur ces décisions, déjà remises en cause par de nombreux pays. Alors que les ONG demandent en vain une législation pour encadrer les pratiques de lobbying et ce type de conflit d’intérêts, José Barroso semble décidé une fois de plus à ne pas réagir, et à laisser passer l’orage.

Mathieu Javaux