Greenwashing

BNP Paribas, la banque d’un monde qui pollue davantage ?

Greenwashing

par Olivier Petitjean (Observatoire des multinationales)

« Responsable », mais pas coupable de contribuer au dérèglement climatique ? BNP Paribas s’est engagée depuis quelques mois dans une campagne médiatique visant à soigner son image de banque responsable, soucieuse de l’environnement et du climat. Parallèlement, elle continue imperturbablement à financer des méga-projets fortement émetteurs de gaz à effet de serre, notamment dans le secteur du charbon. Un décalage entre pratiques et discours qui lui vaut aujourd’hui une nomination au Prix Pinocchio 2013.

Campagnes publicitaires, organisation de colloques et de conférences sur le changement climatique, création de quatre think tanks thématiques... « BNP Paribas a sorti l’artillerie lourde en 2013 pour promouvoir son "nouvel engagement de banque responsable" », note l’association écologiste Les Amis de la Terre. Autant d’initiatives qui relèvent, au mieux, d’une logique de mécénat, mais non d’une véritable politique de responsabilité sociétale. Car la première banque française n’a pas fondamentalement changé de pratiques, ni en matière d’éthique et de régulation financière, ni en ce qui concerne la prise en compte de son impact environnemental. BNP Paribas, la banque d’un monde encore plus pollué ?

BNP Paribas continue de financer activement le secteur du charbon – responsable à lui seul d’un tiers des émissions globales de gaz à effet de serre – en Afrique du Sud ou aux États-Unis, et d’autres énergies « sales », comme l’exploitation des sables bitumineux canadiens [1]. En tant qu’investisseur, les banques, comme les autres institutions financières privées ou publiques, ont une responsabilité directe en matière de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique. BNP Paribas, l’une des principales banques mondiales, joue souvent un rôle décisif pour apporter ou réunir les investissements nécessaires au lancement de méga-projets de mines ou de centrales thermiques.

Soutien aux méga-projets de centrales au charbon

C’est le cas pour le projet de centrale au charbon de Tata Mundra, sur la côte du Gujarat en Inde. BNP Paribas est l’une des deux seules banques impliquées, aux côtés de banques indiennes et de divers bailleurs internationaux dont la Banque mondiale. D’une capacité d’au moins 4000 mégawatts, Tata Mundra doit être la première d’une série de seize centrales au nom évocateur de « Ultra Mega Power Projects » (UMPP). En plus des émissions de carbone, ce projet risque d’entraîner la destruction de l’environnement côtier et des moyens de subsistance des communautés locales. La multinationale indienne Tata et ses alliés politiques ont choisi de passer en force, sans consulter les populations affectées ni procéder aux études d’impact nécessaires. Une enquête interne a mis en lumière de nombreuses violations des règles environnementales et sociales, qui s’appliquent théoriquement aux projets financés par la Banque mondiale (et qui sont également celles appliquées par BNP Paribas). Mais celle-ci semble décidée à passer outre.

En 2010 déjà, BNP Paribas a apporté son soutien financier à deux méga-projets de centrales au charbon en Afrique du Sud, Kusile et Medupi, malgré une campagne citoyenne de grande envergure. En cours de construction, ces centrales seront parmi les plus importantes au monde en termes de capacité, mais aussi en termes d’émissions de carbone [2].

Banques « climaticides »

Le réseau BankTrack a publié en 2011 un classement des banques les plus contributrices aux émissions de gaz à effet de serre, du fait de leur implication dans des mines et centrales au charbon. BNP Paribas y occupe la huitième place au niveau mondial et la première place pour la France. En 2010, l’ONG belge Netwerk Vlaanderen (aujourd’hui FairFin) dénonçait elle aussi les participations de BNP Paribas et de l’assureur AXA dans le secteur du charbon (lire ici). La même année, la banque figure également en tête du premier classement carbone des banques françaises, élaboré par les Amis de la Terre et le cabinet de conseil Utopies. BNP Paribas y occupe la première place en termes d’émissions globales cumulées, avec 1 360 millions de tonnes de carbone émises par an, et la seconde place, derrière le Crédit agricole, pour les émissions de carbone par euro investi.

Du fait de ce grand écart entre les discours et la réalité, BNP Paribas est nominée au Prix Pinocchio aux côtés de huit autres multinationales. Une liste qui inclut aussi la Société Générale, pour sa participation à AlphaCoal, un méga-projet de mine de charbon en Australie qui menace directement la Grande Barrière de Corail [3].

BNP Paribas a officiellement répondu aux Amis de la Terre, concernant cette nomination, en justifiant sa campagne médiatique par sa volonté de « contribuer au débat de société sur l’évolution des missions des banques ». La banque fait valoir en outre que le charbon est une source d’énergie indispensable pour assurer les besoins en électricité des pays émergents, et indique avoir mis en place en 2011 une « politique charbon » pour s’assurer qu’elle ne financera que « les technologies qui fournissent la meilleure efficacité énergétique et le plus faible impact environnemental » (lire l’intégralité de cette réponse ici). Les Amis de la Terre, dans leur « réponse à la réponse », notent que BNP Paribas communique sur le nombre de centrales au charbon qu’elle n’a pas financées et sur les tonnes de carbone qu’elle aurait ainsi « évitées », mais reste muette sur les financements validés et sur leur impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Et le choix de continuer à miser sur le charbon est à contre-courant des décisions récemment prises par d’autres bailleurs internationaux, comme la Banque européenne d’investissement (BEI).

Le Prix Pinocchio est organisé par les Amis de la Terre en partenariat avec le Centre de recherche et d’informations pour le développement (Crid) et l’ONG Peuples Solidaires, ainsi que Radio Mundo Real, Basta! et l’Observatoire des multinationales. Les votes sont ouverts jusqu’au 18 novembre 2013.

Olivier Petitjean

Photos : centrale à charbon de Drax au Royaume-Uni / chantier de Tata Mundra (Inde) via Joe Athialy CC.

Notes

[1Voir la page consacrée à BNP Paribas par le réseau BankTrack (en anglais), qui documente tous les projets controversés dans lesquels la banque joue un rôle.

[2La France a participé activement à la conception et à la construction de ces deux centrales : Alstom est un partenaire clé du consortium, avec le soutien de la Coface, agence publique de crédit à l’exportation.

[3Comme l’indique le site BankTrack, BNP Paribas est d’ailleurs elle aussi partie prenante des projets de développement du charbon sur la côte Nord-est de l’Australie.