Justice

Amiante : un milliardaire écope de 18 ans de prison

Justice

par Nolwenn Weiler

18 ans de prison : c’est la peine à laquelle le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny vient d’être condamné par les juges de la cour d’appel de Turin, dans le cadre du procès Eternit, géant européen de l’amiante. Accusé de « catastrophe sanitaire et environnementale » et infraction aux règles de la sécurité au travail dans les usines de produits à base d’amiante-ciment, Stephan Schmidheiny avait écopé de seize ans de prison en première instance, en février 2012. Son co-accusé, le baron belge Louis de Cartier, qui avait siégé au conseil d’administration d’Eternit France, avait lui aussi été condamné à 16 ans de prison. Il est décédé le 21 mai dernier. La cour d’appel de Turin a donc décidé d’abandonner les poursuites.

Le travail de la Justice italienne tranche avec l’actualité française. De ce côté-ci des Alpes, aucun procès pénal ne s’est encore tenu pour définir et juger les responsables de la diffusion d’un produit, l’amiante, qui continue de tuer plus de 3 000 personnes chaque année. Le 17 mai dernier, la cour d’appel de Paris a annulé huit mises en examen dans le dossier des salariés de l’usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados), dont celle de la maire (PS) de Lille, Martine Aubry, pour homicides et blessures involontaires dans le cadre de ses fonctions de Directrice des relations du travail, entre 1984 et 1987.

La cour d’appel a ainsi réhabilité le Comité permanent amiante (CPA), une structure créée en 1982 par les industriels de l’amiante, dans laquelle siégeaient la plupart des mis en examen (mais pas Martine Aubry). Les magistrats ont estimé que les « actions de recherche, d’informations [du CPA] à destination des entreprises démontrent une volonté d’accompagner la prévention ».

Or le CPA est considéré par un rapport parlementaire de 2005 comme « un modèle de lobbying, de communication et de manipulation a su exploiter, en l’absence de l’Etat, de pseudo-incertitudes scientifiques ». Une influence qui aurait permis de retarder l’interdiction de la fibre mortelle en France jusqu’en 1997. « Les motivations de l’arrêt avancées pour rendre une telle décision apparaissent totalement extravagantes et fausses au regard des pièces du dossier », précise l’association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), qui s’est pourvue en cassation sur le dossier.